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20 RECHERCHES SUR MOLIÈRE.
à la fin des deux années ; mais mon père et ma mère ne le trouvèrent pas à propos, à cause de la dépense où engage cette cérémonie. Le régent en eut tant de chagrin qu'il me fit taire, lorsque je voulus disputer contre ceux qui devoient soutenir des thèses. J'eus la hardiesse de lui dire que mes arguments étoient meilleurs que ceux des Hibernois * qu'il faisoit venir, parce qu'ils étoient neufs et que les leurs étoient vieux et tout usés. J'ajoutai que je ne lui ferois point d'ex-cuses de parler ainsi, parce que je ne savois que ce qu'il m'avoit montré. Il m'ordonna une seconde fois de me taire, sur quoi je lui dis, en me levant, que puisqu'il ne me faisoit plus dire ma leçon (car en ce temps-là les philosophes disoient leur leçon tous les jours, comme les autres écoliers, et c'est un grand abus de les en avoir dispensés), qu'on ne dispu-toit plus contre moi, et qu'il m'étoit défendu de disputer contre les autres, je n'avois plus que faire de venir en classe. En disant cela je lui (is la révérence et à tous les écoliers, et sortis de la classe2. »
A cette époque le cours de philosophie durait deux ans, ainsi que l'indique Charles Perrault, et l'usage était de le terminer en soutenant une thèse latine; mais si le père de Perrault, qui était avocat au parlement, recula devant « la dépense où engage cette cérémonie », il dut en être de même du tapissier Jean Poquelin. Après les deux années de philosophie, on faisait une année de théologie puis une année ou deux de droit canon ; on allait ensuite à Orléans, non pas pour étudier, puisqu'on s'y rendait ordinairement à l'époque des vacances, mais pour prendre ses lettres de licencié en droit canon et civil, et enfin l'on revenait immédiatement
1, «x J'aimois tant la dispute, dit Gil Blas, que j'arrêtois les passants connus ou inconnus, pour leur proposer des arguments. Je m'adressois quelquefois à des figures hibernoises qui ne demandoient pas mieux, et il falloit alors nous voir disputer! quels gestes ! quelles grimaces! quelles contorsions! Nos yeux étoient pleins de fureur et nos bouches écumantes : on nous devoit plutôt prendre pour des possédés que pour des philosophes. » (Livre i, chap. 1.)
2. Mémoires de Charles Perrault, 1759, in-12, pages 2 à 4.
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